Sucrage de bec nocturne [R]

L’institut était silencieux, calme et paisible, presque attachant avec ses grands couloirs vides mais rassurants, et les respirations harmonieuses et lentes qu’on entendait parfois au travers d’une porte. Un ronflement sonore résonna, provenant probablement de la chambre du Fauve, et ce bruit pour le moins fort camoufla le tonnerre du premier éclair de la soirée. Au dehors, la pluie martelait les vitres, et la foudre se mêlait apparemment à la partie. Bref, à l’extérieur la nuit promettait d’être nettement plus mouvementée qu’à l’intérieur des murs de l’Institut que rien, ni même la foudre ou les ronflements du Fauve, ne semblait déranger.

Le cadran indiquait précisément 1 :36 lorsque Emma Frost se redressa dans son lit, les yeux grands ouverts comme si elle ne les avait tout simplement pas fermer, ce qui était probablement le cas. Depuis environ 1 heure, la jeune femme était couchée dans son lit, n’ayant même pas pris la peine de se glisser sous les couvertures ou même de se changer. Toujours vêtue d’un short de basket uni noir, tout simple mais qui pourtant semblait lui aller mieux que n’importe quelle jupe, et d’un débardeur sans manches blanc, Emma portait également toujours autour des jointures les rubans qu’elle appliquait lorsqu’elle s’entraînait sur le punching-bag qui traînait, en solitaire, au fond de sa chambre. C’est d’ailleurs ce qu’elle avait fait durant les dernières heures, sans un bruit pourtant, ne s’arrêtant qu’une fois lorsque son regard avait été détourné vers la pluie qui coulait le long de sa fenêtre découverte.

Assise droite dans son lit, les yeux fixés sur le mur devant elle et la bouche relevée en une moue blasée, Emma tourna la tête vers ses vitres au moment où un 2e éclair striait le ciel marine. Réprimant un soupire las, la Reine Blanche se leva de son pourtant confortable matelas, et arpenta un moment sa chambre. C’était fou comme cette pièce lui paraissait différente une fois la nuit venue. Alors que le jour, elle était pour Emma qu’une chambre comme une autre, une pièce contenant un lit et son précieux défouloir, la nuit cette même pièce devenait un lieu bien trop petit et étroit, où Emy se sentait dans l’obligation de penser, de réfléchir sur elle-même, ce qu’elle détestait plus que tout. Bref, les rares nuit où elle dormait, tout allait bien… Le reste du temps, l’insomniaque qu’était Emma Frost ne pouvait demeurer dans cette pièce. Devenait alors plus qu’importante son lieu préféré ; la cuisine ^^.

Délicatement, Emma ouvrit sa porte, s’infiltrant dans la couloir alors que sèchement, elle jetait au sol le ruban protecteur qui entourait ses jointures. Certes, il était étrange d’être ainsi vêtue à minuit passé, mais Emma ne s’attendait certainement pas à croiser une quelconque personne pendant cette nuit silencieuse. Dans un silence presque étonnant pour la présence imposante qu’était Emy, la jeune femme glissa sans un bruit jusqu’à son lieu de prédilection, dans lequel elle venait si souvent la nuit qu’elle le connaissait encore mieux dans le noir qu’à la lumière. Sans prendre la peine d’ouvrir la lampe, Emma ouvrit systématique deux armoires, desquelles elle sortit nonchalamment ses deux produits fétiches, une fois la nuit avancée : Céréales au chocolat et chocolat liquide. Toujours aussi mécaniquement, comme si elle répétait cette opération chaque nuit, Em’ sortit un grand bol, dans lequel elle versa une généreuse portion de céréales qu’elle recouvrit allégrement de chocolat liquide. Après ça, les gens s’étonnaient de ne pas la voir manger le jour venu ^^

Avec un bâillement qui ne représentait même pas de la fatigue, Emma posa son bol sur le comptoir central, y appuyant un coude alors que, lentement, elle faisait le pigeon voyageur du bol jusqu’à ses lèvres, la bouche entre-temps légèrement entrouverte, et les yeux résolument fixés sur un tableau qui lui faisait face, qu’elle apercevait d’ailleurs à peine au travers de la noirceur ambiante.

Comme bien des nuits depuis des mois le jeune homme se sentait incapable de fermer les yeux et de se laisser aller à un repos salvateur qui lui permettrait d’oublier pendant un temps au moins le vide qui l’avait pénétré. Depuis maintenant plus de deux heures il se tenait debout face à la fenêtre de sa chambre, enfin de leur chambre et fixait d’un air morne le paysage pourtant magnifique qui s’étalait à perte de vue devant lui.

Il avait la chance depuis qu’il avait été recueilli ici par le professeur Xavier de vivre dan un cadre des plus agréables, entouré par des personnes formidable et surtout soutenu par un homme qu’il considérait comme son père. Mais cela ne lui suffisait plus aujourd’hui. Il aurait voulu plus et plus c’était elle… Retenant à nouveau un flot de souvenirs qui ne manquerait pas de l’anéantir encore une fois, il tourna le dos à la fenêtre alors qu’un éclair zébrait le ciel et illuminait l’espace d’une seconde la chambre constamment plongée dans la pénombre.

La visite de son frère dans la journée l’avait quelque peu sorti de sa torpeur et voilà même qu’il avait faim. Il ne savait pas si c’était bon signe, tout ce qu’il savait c’était qu’il fallait qu’il mange quelque chose au plus vite…

Rapidement il enfila un simple t-shirt pour accompagner son éternel lewis. Il avait beau avoir un comportement spécial ces derniers temps, il était encore en mesure de ne pas se promener à moitié déshabillé dans l’enceinte de l’école. Il essayait d’ailleurs, lors de chacune de ses « sorties » de paraître le plus en forme possible, pour les élèves autant que pour lui même, car son reflet dans le miroir lui était méconnaissable à certains moments...

Sans un bruit il traversa le long couloir qui le menait vers la cuisine de l’institut. L’endroit lui avait toujours été agréable. Le professeur avait fait décorer chaque pièce avec un soin particulier en essayant d’imprégner l’endroit de sérénité. Une famille… C’était là le concept du sage.

En entrant dans la pièce il ne perçut pas de suite la jeune femme installée au comptoir. Silencieuse et tapie dans l’ombre elle ne lui apparut que quand il fut à quelques mètres d’elle. Surpris, puis embarrassé, il pensa un instant à faire demi-tour et retourner là d’où il venait, mais il avait finalement bien trop faim pour ça.

« Je pensais que je serais seul à cette heure-ci… » souffla-t-il tandis qu’un autre éclair déchirait le ciel et que la pluie redoublait de violence contre les vitres.

De longues minutes avaient passées, pendant lesquelles rien n’avait changé dans la cuisine, ni la noirceur ambiante ni même la position de la jeune femme, seulement le niveau de nourriture dans le bol qui diminuait, tranquillement, au fur et à mesure des lents va et vient incessants de la main d’Emma. Pourtant, malgré le sucre fou qu’elle engloutissait à un rythme lent, la jeune Frost ne s’en sentait pas pour autant rassasiée, seulement plus blasée d’une bouchée à l’autre. Son regard s’était lentement détaché du cadre, qui de toute façon lui était trop sombre, et se promenait à présent sur chaque mur, chaque objet, pour finalement s’échouer sur une fenêtre à côté d’elle. Ses yeux bleus, plus scintillants que jamais semblaient être aussi visibles que ceux d’un chat en pleine nuit, et suivaient avec attention la descente périlleuse d’une goutte d’eau téméraire qui s’était écrasée sur la vitre. Gauche, droite, tout droit, la goutte suivit une instable descente, jusqu’à se perdre dans un recoin de la fenêtre. Le spectacle était fini, il fallait s’intéresser à autre chose…

Cette autre chose lui sauta aux yeux au moment où Emma tourna la tête vers la porte. Une silhouette s’était silencieusement immiscée entre elle et la massive porte de bois qui les séparaient du couloir. Bien qu’étonnée de découvrir quelqu’un à ses côtés, Emma n’en laissa rien paraître sur son visage d’une impassibilité presque dérangeante. Elle ne voyait rien du visage de celui qui l’avait ni plus ni moins que dérangé, et ce jusqu’à ce qu’un énième éclair traverse le ciel. Là, seulement là, la blondinette pu apercevoir le reflet rougeâtre d’une paire de lunettes qu’elle connaissait maintenant. Scott Summers. Presque malgré elle, un fin sourire barra son joli visage, un sourire tout droit destiné au jeune homme qui, apparemment, n’était pas très à l’aise d’être aux prises de la jeune blonde dans une cuisine, et ce au beau milieu de la nuit. Le fait d’être vu à l’extérieur de sa chambre le dérangeait-il à ce point ?

Dès son arrivée, qui remontait quand même à environ 5 mois, Emma avait été mit au courant du malheur qui accablait le beau brun. En toute honnêteté, savoir la fiancée de Scott disparu n’arrachait à Emma aucune larme, bien au contraire. Mais l’air piteux qui était maintenant propre au jeune homme attristait presque la jolie blonde, qui se voyait malgré tout bien mal consoler cet homme.

« Je suis habituellement toujours seule à cette heure… »

Répliqua Emma sur le même ton que le jeune homme, un sourire amusé barrant soudainement plus franchement ses lèvres vermeille. Sèchement, Emma tourna de nouveau la tête vers la fenêtre, guettant d’un œil septique la pluie qui avait redoublé de violence contre l’impeccable vitre de la cuisine. Pas qu’elle n’aimait pas la pluie, bien au contraire d’ailleurs, mais l’ambiance presque mal à l’aise qui régnait chez Scott, la noirceur et le violence au-dehors n’invitait pas réellement à passer une agréable nuit.

Néanmoins, Emma retourna la tête vers Scott, son sourire toujours obstinément accroché aux lèvres et lui tendit le bol dans lequel elle pigeait depuis un moment. L’apparence du contenu semblait douteuse, mais la couleur brune inspirait automatique au chocolat, et laissait une idée du goût excellent mais ô combien sucré qu’avait la mixture.

« C’est comme de la drogue… Mais en moins dommageable pour les neurones. Je recommande fortement. »

Dit-elle simplement sur un ton léger alors qu’elle tendait toujours le bol vers l’homme aux yeux camouflés, qu’elle aurait d’ailleurs aimé voir –bien qu’elle sache la raison pour laquelle ils étaient si bien camouflés-, lançant un regard invitant vers le bol. Comme lui, ses paroles avaient été dites dans un souffle, doucement, et ce comme si elle craignait réveiller quelqu'un. Ils étaient pourtant seuls.

Debout près de la porte, le jeune Summers gardait toujours au fond de lui l’envie de fuir au plus vite. Chaque fois qu’il avait le malheur de croiser quelqu’un ces derniers temps, il y lisait d’abord de la douleur, puis de la compassion puis de la pitié. Voilà ce qu’il inspirait… La pitié et il avait horreur de ça, horreur de cette image si peu glorieuse qui lui été renvoyée. Il se foutait de leur gentillesse, il se foutait de leur compassion, car de toute façon quoi qu’ils disent, ils ne pourraient pas la faire revenir et c’était bien tout ce qu’il demandait… La tempête qui régnait dehors et ne cessait de s’intensifier était le parfait miroir de ce qui se passait à l’intérieur du jeune homme et qu’il gardait au fond de lui. Une colère sourde l’avait envahit qu’il ne pouvait s’empêcher de laisser déborder à certains moments et dont bien souvent la principale cible était Logan.

Mais ce qu’il put lire dans les yeux de la douce Emma n’avait strictement rien à voir avec de la pitié, de la compassion, de la tristesse ou quoi que ce soit d’autre qui n’en soit pas très éloigné. Elle lui adressa un fin sourire, assorti d’une moue mutine. Pas de « comment vas-tu », pas de « tu verras avec le temps ça ira mieux » et toutes ces autres phrases que l’on voulait gentilles mais qui étaient toutes aussi dénuées de sens l’une que l’autre.

C’est ce qui le décida à rester, à ne pas fuir comme toutes les autres fois. Il ne la connaissait pas, tout ce qu’il savait d’elle était son prénom, Emma. Elle était arrivée quand il touchait le fond, juste après la mort de Jean et il n’avait jamais essayer d’avoir une vraie discussion avec qui que ce soit. Beaucoup lui étaient maintenant inconnus, et il avait l’impression que bien trop de choses lui avaient échappées. Mais il serait bien temps de s’en occuper plus tard. Oui plus tard…

L’idée que peut-être il la dérangerait ne l’avait pas vraiment effleuré, jusqu’à ce qu’elle souligne le fait qu’elle était habituellement seule et qu’elle se détourne de lui. Il était vrai que l’heure avancée de la nuit n’offrait pas l’occasion d’avoir beaucoup de compagnie en général… Récupéré de quoi manger et filer à nouveau lui semblait donc une option tout à fait envisageable jusqu’à ce qu’elle se tourne à nouveau vers lui, tendant un bol qui contenait quelque chose qui à première vue n’avait rien de très appétissant mais qui se révélait être tout simplement du chocolat. Son sourire, franc et rafraîchissant lui ôta toute envie d’une quelconque retraite.

« Hum… »

Il se dirigea vers le congélateur et en sortit un énorme bac de glace, format familial ; vanille noix de pékan, récupéra une cuillère dans le tiroir et s’installa en face de la jeune femme lui adressant au passage un légère grimace qui ressemblait fort à un simulacre de sourire.

« Moi à cette heure-ci j’ai toujours eu une préférence pour la glace… » lâcha-t-il toujours sur le même ton.

Au dehors les éléments se déchaînaient toujours, mais il se sentait quelque peu apaisé.

Le visage empreint d’un calme et d’une sérénité qu’on ne lui connaissait que la nuit venue, Emma ramena son bol vers elle lorsqu’elle vit Scott prendre le chemin du congélateur. Il y avait de cela à peine quelques secondes, la jolie blonde avait légèrement regretté le ton naturel et détaché qu’elle avait employé en s’adressant à lui. Certes, ce n’était certainement pas dans ses habitudes de prendre des gants blancs, pour quelconque occasion, et elle-même détesterait qu’on le fasse à son égard, si seulement elle avait parfois un semblant de peine. Mais ce qu’elle avait entendu dire, entre les branches, au sujet du désarroi Scott semblait être des plus sérieux, et elle ne tenait pas particulièrement, en cet instant, le premier où ils échangeaient une quelconque parole, paraître pour une sans cœur… qu’elle était en fait ^^.
De ses yeux presque fluorescents dans le noir de la pièce, Emma suivit les mouvements de son visiteurs, et un presque semblant de début de rire s’échappa malencontreusement de ses lèvres alors qu’elle le vit sortir l’énorme bol de glace.

Comme pour s’empêcher de laisser échapper une quelconque émotions trop joyeuse à nouveau, Emma replongea machinalement la main dans la mixture aux teintes brunes, et porta une autre céréales à ses lèvres. Une céréale à la fois, tel était sa technique, et ce dans le but évident de ne salir qu’un doigt… Le chocolat liquide, ça colle ^^. Délicatement, elle prenait entre ses dents la boule brune lorsque Scott se posta devant elle, lui accordant ce qui devait ses temps-ci se rapprocher d’un sourire. Ignorant superbement bien le fait que ce sourire devait lui tirer sur des joues trop longtemps positionnées en mode ‘Tristesse’, Emma se contenta d’y répondre par un fin sourire à son tour, et un regard des plus intéressé, diriger vers… le pot de glace. (Veux pas non plus me faire tuer par Jean ^^) « Moi à cette heure-ci j’ai toujours eu une préférence pour la glace… » Sur cette phrase, Em’ releva la tête vers le jeune homme devant elle, la tête toujours penché vers le pot alors que sa main venait machinalement repoussé quelques mèches rebelles de sa blonde crinière.

« Hum, j’ai affaire à un connaisseur apparemment… »

Répliqua la jolie blonde sur un ton amusé alors qu’une seconde, elle jetait un regard vague sur la fenêtre, légèrement mais sèchement percuté par ce qui semblait être une petite branche. La nuit promettait au dehors d’être de plus en plus violente… Mais là, dans cette cuisine obscure et face à Cyclope, Emma n’avait pas à se plaindre de son sort.

*Na, vraiment pas…*

Pensa-t-elle alors que son regard se reposait sur la paire de lunettes qui lui faisait face. Avec un sourire malicieux, digne d’une gosse de 7 ans en plein délire dans la boîte de cookies, Emma colla sur le bout de son doigt une céréale généreusement chocolatée, et la plongea avec un amusement non dissimulé dans la glace devant elle, l’engloutissant ensuite en penchant la tête vers l’arrière. Le regard qu’elle posa sur Scott, une fois sa position initiale reprise, était des plus amusés, au même niveau que son sourire qui s’élargissait, et ce malgré ses propres convictions. À qui adressait-elle de réels sourires, à bien y penser ?

« Alors, laisses-moi deviner. Peur des orages ? Un monstre caché sous le lit ? … »

Demanda-t-elle subitement, tentant de trouver de manière plutôt imagée la raison de sa venue, en beau milieu de la nuit, dans ce lieu pourtant peu commun à une heure avancée. Par réflexe, elle ne l’avait pas vouvoyé. Ce n’était pas là une marque d’irrespect, au contraire ; Son vouvoiement était habituellement fait avec froideur, et son tutoiement rarement accordé. Mais voilà, pourquoi deux jeune gens, approximativement du même âge, seuls dans une cuisine au beau milieu de la nuit, et qui fréquentait le même lieu depuis plusieurs mois se vouvoieraient-ils ?

La lueur presque spectrale qui entourait la jeune femme et rendait son regard presque inquiétant, phénomène encore renforcé par les éclairs qui zébraient le ciel à chaque seconde, n’apparaissaient pas à Scott qui depuis que ses pouvoirs s’étaient déclenchés voyait le monde en différentes teintes de rouge. Il aurait d’ailleurs bien donner n’importe quoi pour voir à nouveau de façon normale et il s’accrochait dur comme fer aux brides de souvenirs qu’il avait. Il avait souvent dit à Jean qu’il aurait aimé voir par lui-même la couleur de ses yeux, autrement qu’à travers un rideau de quartz-rubis. Mais l’accident d’avion qu’il avait eu étant plus jeune, en plus de lui retirer ses parents et son jeune frère Alexander, l’avait plongé dans un profond coma, dont il était sorti presque indemne, exception faite de la faculté de contrôler son pouvoir.

Une fois installé face à la jeune femme, il la considéra avec intérêt. Il avait vraiment été déconnecté ces derniers temps et il avait du mal, lors de ses rares sorties à se faire à tous ces nouveaux visages. Elle demeurait donc une énigme totale pour lui, comme beaucoup d’autres et bizarrement cela n’avait éveillé aucune réelle curiosité chez lui. Jusqu’à ce soir, où il se retrouvait en quelque sorte coincé. Scott avait toujours été quelqu’un de très ouvert, et ici à l’institut il était un peu le grand frère de tous, seul le récent décès de la femme qu’il aimait l’avait obligé à se renfermé et à se murer dans l’indifférence et le silence. Cela faisait en quelque sorte tellement longtemps qu’il n’avait pas parler, bêtement parler, de la pluie et du beau temps et de toutes sortes de choses tout aussi insignifiantes qu’il avait éveillé en lieu un sorte de manque et que toute compagnie lui serait agréable, même celle d’une parfaite étrangère.

« Connaisseur est un mot bien faible… »

Il suivit avec amusement la manœuvre de la demoiselle, qui consista à pêcher une généreuse dose de glace dans son pot à l’aide de son doigt, noyant la céréale qu’elle tenait dans sa main. Il n’avait esquissé aucun geste pour l’en empêcher, bien au contraire, car il savait combien la tentation était grande une fois que l’on avait un pot de chez Barney’s sous les yeux. Alors lentement il fit glisser le pot au milieu de la table, pour lui permettre d’y picorer tout son soûl et lui adressa un sourire entendu.

Il se redressa légèrement quand elle lui demanda ce qui l’avait pousser à sortir de sa chambre, fronçant les sourcils l’espace d’un instant et passant sa main sur sa nuque fatiguée dans un geste à la fois touchant et viril. En réponse il agita sous son nez la cuillère dont il s’était saisi quelques instants plus tôt avant de la plongée dans la crème glacée onctueuse.

« En ce qui me concerne c’est la faim… Mais je ne t’en tiendrais pas rigueur si tu me dis de ton côté que tu as peur du tonnerre… »

Comme elle avait commencer à le tutoyer, il avait tout naturellement choisi de suivre le même chemin. Même si il la connaissait peu, il serait sans aucun doute amené à croiser encore de nombreuses fois.

« Ou que tu me dis que tu as vu un loup-garou… »

Il retira la cuillère pleine de glace du pot et l’amena près de sa bouche.

« Je préviens juste que je ne pars pas à la chasse à la bête poilue par le temps qu’il fait… »dit-il avant d'enfourner une pleine bouchée.

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