Tout était noir depuis si longtemps, un monde d’ombre et de froid avait pris le dessus sur la lumière et la chaleur connue auparavant. Tout était si démentiel, aucuns repères, aucun espoir de pouvoir sortir de cet endroit et d’abord qu’était-il ? L’enfer ? Le paradis ? Le seuil entre les deux ? Impossible de savoir, la seule chose sûre était cette dernière vision.
Le Blackbird s’envolant au-dessus de sa tête, l’eau tout autour retenue par son esprit qui commençait à s’affaiblir. Puis le froid, l’eau, cette atroce sensation d’être transpercée par des milliards de petites aiguilles de glace, l’oxygène venant à manquer et plus rien, le noir, le fond de l’abyme.
Mais pourtant elle était toujours consciente, d’une certaine manière son esprit n’était pas mort même si son corps était totalement meurtri. Comment pouvait elle encore être en vie, elle ne le savait pas, elle ne savait rien, elle n’avait plus la force de réfléchir son esprit était comme vide aussi vide que son corps, aussi faible que son corps, le seuil entre la vie et la mort. La lumière blanche n’apparaissait pas encore, mais dans le fin fond de son esprit, dans l’infime partie faisant qu’elle sentaient encore certaines choses, elle savait qu’elle verrait l’aveuglante lumière sous peu. Elle l’espérait, l’attendait, le soulagement de ses muscles, de son esprit, la fin tout simplement.
Elle l’attendait mais ne pouvait s’y résoudre. Ne plus jamais les revoirs, ses amis, élèves : sa famille. Ne plus jamais revoir son sourire, ne plus jamais le revoir trébucher le matin en allant dans la salle de bain parce qu’il n’est pas encore assez réveillé, ne plus jamais sentir son souffle sur son épaule, ceci lui serait plus fatal que la mort.
Cette fin inéluctable qui l’attendait, elle n’en voulait pas, même si elle savait que ce serait un immense soulagement. Elle se sentait si faible, mais pourtant continuait à puiser en elle le peu de force qu’il lui restait pour entretenir ce qui l’avait fait tenir le coup jusqu’à présent. Son cerveau ne faisait que ça, entretenir cette petite bulle d’air. Comme si autre chose avait pris le dessus sur elle, l’empêchant de se laisser aller au soulagement du trou noir et infini, la plongeant dans un état de stase ou seule une infime partie de son cerveau était encore consciente de la situation.
La réflexion était trop laborieuse pour son esprit endormi, les gestes trop laborieux pour son corps endolori, elle restait ainsi, laissant faire cet autre esprit pour lui sauver la vie. Allait-il y arriver, elle n’en savait rien. Puis dans cette obscure noirceur glaciale la solution apparue : Non.
La lumière. Aveuglante comme tout le monde le disait. Même en ayant les yeux fermées elle la voyait, elle la sentait, la fin approchait. Elle n’avait jamais autant souffert, son esprit allait rompre d’un instant à l’autre, son corps bléssé ne la ferait plus souffrir horriblement d’un instant à l’autre. La fin, enfin, si tôt, inéluctable.
La chaleur, une bouffée de chaleur. Cela faisait si longtemps qu’elle ne l’avait pas ressenti sur son corps qu’elle se demanda l’espace d'un instant ce que c’était. L’enfer ? Possible. La lumière blanche était encore plus forte, ses poumons la faisaient moins souffrir d’un coup, comme soulagés. Elle n’avait plus l’impression de n’être qu’une moitié d’elle-même, elle se sentait soulagée, en vie. Jamais elle n’aurait cru que la mort serait aussi douce.
Si elle ouvrait les yeux que verrait-elle ? Des flammes, des anges ? Il n’y avait qu’un moyen pour le savoir. Elle les ouvrit, enfin, après tout ce temps. Ce qu’elle vit était encore mieux que le paradis, l’enfer ou la mort. C’était la vie. Face à elle des rochers tombant à pic, quelques mètres au-dessous d’elle l’eau, l’eau dans laquelle elle était quelques secondes auparavant. La vie.
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